Ferdinand Cheval se souvient (extrait de "L'ombre bleue de la pierre", ed Encres Vives, 2012.)
Publié le 3 Novembre 2013
Une pierre a réveillé les glaces de mon tombeau
Un poing qui s'ouvre et rabat les saisons du quotidien
Poussant la neige à rêver d'une banquise en velours
Je marchais sous la colline et quelle crue m'a poussé ?
Un masque de sable a creusé le chemin du royaume
Je serais le chien qui garde son rêve avant la mort
Facteur piéton pour visiter le désert et la jungle
Facteur après le Sud la boulangerie africaine
La compagnie du cadastre en défiant les jours de grêle
Trente-trois kilomètres par jour me laissaient des songes
Rêver avant la fin de mon corps serait édifiant
Ma tête emportée par un élagage inventif
Pour conserver des fruits en or piéger des vallons bleus
Voici votre courrier disais-je en voyant mes façades
Ma grange aux millions de fleurs ma charpente en plein soleil
Amis vous ponctuiez mon parcours avec des adresses
Je vivais de partout avec les yeux de ma reine
Je répétais la pluie le dégel la canicule
Au milieu de ma vie j'ai passé la frontière folle
Butant sur une pierre hallucinée qui s'installa
Faisant sortir un bassin une niche une statue
Quel bijou sauvage dans un mouchoir vint apparaître ?
J'emportai l'oiseau pierreux l'éclosion d'un cercle beige
La nuit je retournais remplir ma brouette à l'envers
Travail vers ces tonnes repérées le long du chemin
Moi le tumulus délirant pour graver notre nom
Après mon fils ma fille et mes épouses silencieuses
J'édifierais mes tours barbares sur des cartes claires
J'allais creuser mon jardin mes rêves jusqu'à la mort
Crinière arrachée à la roche devenue si fine !