LE NIVEAU D'UNE EMPREINTE

Publié le 24 Juin 2014

Il existe pour moi un certain bras de rivière, dans la Galaure (au nom très minéral, n’est-ce pas, chers galets?) Enfant j’y remarquais avec plaisir, à chaque fois que je m’y rendais pour pêcher la truite, une bande d’argile blanche, rive convexe au niveau du courant. Je me souviens très bien que je rapprochais, par mon regard, ce trait de celui, plus vivant, de l’eau rapide, et que je sentais qu’une forme de dialogue entre éléments restait fidèle au territoire des collines. Même les truites méfiantes avaient une place au fond de ces apparences avec leur camouflage, leur révélation d’écailles.

Il y avait aussi l’odeur du matin, l’accord des oiseaux, les caprices de la brume. La géologie, l’air, le temps, les sources précipitées vers l’aval, souvent, fixent des bornes que la sensibilité approche en rêvant.

Quelques dizaines d’années plus tard, la bande d’argile se trouve au-dessus du courant. L’arc blanc dans le méandre imposé par l’eau et la gravité rejoindra bientôt les racines de grands arbres. Le terrain a été érodé, bien entendu, mais il est agréable de sentir que la terre est toujours là, qu’elle s’enfonce, horizontale, sous les bois, les champs.

Ma vision s’est enrichie et un jour -d’ailleurs hanté par un tournant décisif de ma vie- j’ai eu envie d’aller photographier ce coin de Galaure, et de prélever sur place de l’argile pour mouler quelques pierres, plaquer sur les cristaux endormis une paume argileuse.

Faire un geste simple. Voir, toucher, remarquer ce qui s’imprime et passe dans un relief différent, à un autre moment de l’existence, l’homme reconnaissant la carte anonyme d’un territoire à la fois personnel et cosmique.

Un matin nous avons donc, ma fille au prénom de colline et moi, arraché des poignées d’argile au versant travaillé par les crues, la pluie, les glissements, puis, sur place, nous avons tenté de révéler le miroir immobile de plusieurs galets. Il a suffi de faire quelques pas au hasard du pierrier. Nous avons tenu à nous contenter des formes rencontrées sur place, fuyant tout embellissement.

J’ai eu l’impression que plus rien n’existait entre le geste, la trace de l’érosion, l’eau, la roche, l’empreinte ainsi nommée car c’est bien elle qu’on identifie au nom de toute aventure, à la fin.

Ne s’agirait-il pas, dans un secteur silencieux, penché sur des lois fragmentées, d’une écriture profonde ? L’encre et le jour, d’où viennent-ils sinon d’une intuition voyageant à travers la matière, l’impression qui gonfle le cœur ? Au fil du temps, l’enfance n’en finit pas de dire ce qui prend forme au-delà de ce qu’elle aime. Nous avons passé un moment à retrouver les battements d’un monde personnel, esthétique et naturel, ouvert sur la lumière, un lieu que l’horizon n’emporterait plus.

photos de la rivière Galaure (Drôme)
photos de la rivière Galaure (Drôme)
photos de la rivière Galaure (Drôme)
photos de la rivière Galaure (Drôme)
photos de la rivière Galaure (Drôme)
photos de la rivière Galaure (Drôme)
photos de la rivière Galaure (Drôme)
photos de la rivière Galaure (Drôme)
photos de la rivière Galaure (Drôme)
photos de la rivière Galaure (Drôme)
photos de la rivière Galaure (Drôme)
photos de la rivière Galaure (Drôme)
photos de la rivière Galaure (Drôme)
photos de la rivière Galaure (Drôme)
photos de la rivière Galaure (Drôme)
photos de la rivière Galaure (Drôme)
photos de la rivière Galaure (Drôme)
photos de la rivière Galaure (Drôme)
photos de la rivière Galaure (Drôme)
photos de la rivière Galaure (Drôme)
photos de la rivière Galaure (Drôme)
photos de la rivière Galaure (Drôme)
photos de la rivière Galaure (Drôme)
photos de la rivière Galaure (Drôme)

photos de la rivière Galaure (Drôme)

Rédigé par Régis Roux

Publié dans #curiosités poétiques

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